Qui est donc Dr. Octagon ?? C’est la question que je me suis posé lors de l’écoute de son premier opus, « Dr. Octagonecologyst ». Pour répondre à cette question, petite intro. Tout d’abord, Dr. Octagon n’est autre que le rappeur New-Yorkais Kool Keith : le docteur en question n’est qu’un personnage tout droit sorti de l’imaginaire du rappeur. La description du personnage pose déjà les bases de l’univers de cet album : Doctor Octagon est un chirurgien extraterrestre (de Jupiter précisément), gynécologue à ses temps perdus et un meurtrier (le con tue ses patients). Parlons du contexte de l’album maintenant. Ce premier LP est sorti en 1996, année du premier album (et classique) de Jay-Z « Reasonable Doubt », du deuxième album de Nas « It Was Written », du dernier opus de feu 2Pac « All Eyez On Me » et des Fu-Gees, « The Score ». Un très bon cru donc, qui voit sa liste grossie par un album considéré aujourd’hui comme un classique, « Dr. Octagonecologyst ».
Un classique donc, car complètement à contre courant de la tendance rap de l’époque. Ceci est dû tout d’abord à la présence de Dan The Automator (qui produira plus tard pour les Gorillaz) sur toutes les tracks de l’album, exceptée deux morceaux produits par KutMasta Kurt. Le beatmaker impose son style retro-futuristique original qui colle parfaitement à l’univers psychédélique du rappeur. Les beats sont pour la plupart à sonorités électroniques, sans pour autant se dévier de la trajectoire hip-hop underground de l’opus (rien à voire avec la diarrhée auditive que l’on appelle hip-hop électro aujourd’hui). A cela s’ajoute les scratch très innovateurs pour l’époque de DJ Qbert. Tout ceci donne un univers angoissant, parfois même malsain, mais également une étonnante cohérence car chaque track nous fait progresser dans ce qui semble être un film de science-fiction/horreur. Le terrain est préparé, propre, prêt à être déboité par notre bienveillant docteur.
Si l’album connu un succès critique conséquent, c’est également pour les lyrics d’Octagon. Ici, on ne parle pas de ghetto, de problèmes de sociétés ou de classes sociales. L’ambiance est plus aux films de boules (cf. l’intro), égotripe et humour de gamin (comme sur la track « Earth People » avec la phase « I got cosmophonic, pressed a button, changed my face. You recognised, so what? I turned invisible, made myself clear, reappeared to you visual, disappear again, zapped like a android” ou ne serait ce que le titre de la 17e piste “halfsharkaligatorhalfman”). Mais derrière les thèmes hardcore et, il faut bien l’avouer, abstrait des morceaux se cache une réelle technique et maitrise du flow et de l’écriture. Métaphores en pagaille, assonances (« Contact react to style I'm back you lack » sur « 3000 »), changement de flow, de vitesse, tout y est. Son flow justement, est assez particulier puisque parfois sans structure, comme s’il ne suivait aucune mesure précise (sur « Awareness » par exemple). Cela contribue à donner une image décalé et psychopathe à l’univers de « Dr. Octagonecologyst ».
Bien entendu, un tel album s’écoute avec un certain recul : c’est un album concept de 1996, avec un univers très particulier. Il ne faut donc pas l’écouter comme on écouterait un album plus contemporain. Comme je l’ai dit plus haut, l’album reçu des critiques très positives. Bien que sorti en indépendant et ayant peu vendu, il est aujourd’hui considéré comme une référence et un classique.
P.S. : Je livre ici mon impression sur l’album, je parle en tant que fan de rap et non en tant que journaliste spé hip-hop. Je ne prétends en aucun cas établir des vérités ! Les critiques sont les bienvenues ;)